Il est nécessaire d’accroître la formation et le renforcement des compétences
Partout dans le monde, les activités de sensibilisation et de formation sur le trafic illicite des biens culturels sont encore timides. Il est donc fondamental que les professionnels qui luttent contre les trafics illicites aient connaissance de ce phénomène et des outils qui existent pour y faire face.
En outre, en comparaison avec la lutte contre d’autres activités criminelles telles que le blanchiment d’argent ou le trafic de stupéfiants, la lutte contre le trafic illicite des biens culturels compte peu d’experts. Il est donc d’autant plus urgent que ces rares experts partagent leurs compétences et leur expérience avec d’autres professionnels afin d’accroître la connaissance et l’expertise sur ce sujet.
Enfin, trop souvent la lutte contre le trafic illicite ne se nourrit pas suffisamment des autres disciplines, telles que le droit, la sécurité, l’histoire de l’art, l’archéologie, la criminologie, etc.
Domaines de formation
De façon générale, tous les professionnels devraient recevoir une formation appropriée selon leur spécialité, dans les domaines suivants :
Criminologie : trafics et pillages, faux et contrefaçons, marché illicite, acteurs, réseaux et circuits.
Droit : législation nationale, droit international, accords régionaux, accords bilatéraux, répression.
Gestion des risques : évaluation, analyse et maîtrise des risques, sécurité des musées et des sites.
Patrimoine culturel : inventaires, acquisitions et obligation de diligence, encadrement des exportations, déontologie, retours et restitutions.
Lutte contre le trafic : organisations internationales, forces de l’ordre, administrations nationales, ONG, société civile.
Outils et pratiques : Base de données d’INTERPOL sur les objets volés, Listes rouges de l’ICOM, Object ID, Modèle de certificat d'exportation UNESCO - OMD, Archeo, etc.
Formation des agents des forces de l’ordre
Les forces de l’ordre se trouvent en première ligne dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Malheureusement on ne compte qu’une poignée d’agents spécialisés dans ce domaine très spécifique. Par ailleurs, les centres de formation dédiés aux policiers et aux douaniers n’ont pas pour habitude de sensibiliser leurs étudiants au caractère criminel du trafic illicite des biens culturels.
Par conséquent, il est nécessaire de former des agents des forces de l’ordre de façon approfondie dans les domaines suivants:
- Marché de l’art et objets soumis à une forte demande d’achat
- Aspect criminel du phénomène (auteurs, méthodes, circuits)
- Lois et sanctions
- Coopération intersectorielle nationale et internationale
- Recours à des outils pratiques (Listes rouges, base de données d’objets volés, etc.)
- Surveillance des biens culturels
- Méthodes d’enquête
- Sécurité des musées et des sites
De telles formations peuvent être organisées aussi bien à l’attention de professionnels chevronnés que dans le cadre de la formation initiale des futurs policiers et douaniers.
Les Carabinieri forment des membres de la Gendarmerie, Tunisie, 2013. Photo : Carabineri pour la protection du patrimoine culturel
Formation des agents publics
Au sein des administrations gouvernementales, il n’est pas rare de constater le même manque de connaissances et de sensibilisation sur la lutte contre le trafic illicite. Les stages de courte durée peuvent ainsi s’avérer très utiles pour les agents des administrations nationales (culture, justice, intérieur, tourisme), notamment dans les domaines suivants :
- Marché de l’art et objets soumis à une forte demande d’achat
- Aspects criminel et financier du phénomène (auteurs, méthodes, circuits)
- Application du droit international et renforcement de la législation nationale
- Inventaires nationaux
- Mécanismes de retour et de restitution
- Coopération intersectorielle nationale et internationale
- Existence et utilisation des principaux outils pratiques
- Sécurité des musées et des sites
- Sensibilisation de l’opinion publique
Des policiers turcs en formation, Gaziantep, décembre 2014. Photo : Direction générale du patrimoine culturel et des musées
Professionnels du patrimoine et spécialistes
Bien qu’ils soient censés connaître le phénomène et son ampleur, les professionnels du patrimoine ne reçoivent en réalité qu’une formation succincte et/ou des informations parcellaires sur le trafic illicite des biens culturels. Des programmes de formation ciblés doivent mettre l’accent sur les sujets suivants :
- Marché de l’art et objets soumis à une forte demande d’achat
- Aspect criminel du phénomène (auteurs, méthodes, circuits)
- Droit national et international
- Déontologie
- Gestion des risques et sécurité des musées et des sites
- Politique d’acquisition, obligation de diligence et de recherche de provenance
- Réalisation d’inventaires
- Existence et utilisation des principaux outils pratiques
- Coopération intersectorielle nationale et internationale
- Mécanismes de retour et de restitution
- Sensibilisation de l’opinion publique
Professionnels du marché de l’art
Bien que leur activité diffère de celle des personnels des musées ou des sites archéologiques, les professionnels du marché de l’art devraient recevoir le même niveau de formation que les professionnels des musées. Les formations doivent porter en priorité sur la déontologie, les procédures d’acquisition et l’obligation de diligence.
Qui organise des formations ?
Organisations internationales
Organisation phare impliquée dans la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, l’UNESCO organise régulièrement des séminaires nationaux et régionaux d’information et de promotion. L’objectif de ces séminaires est de permettre une meilleure compréhension des concepts, des mesures et des mécanismes des instruments normatifs développés par l’organisation. Les formations comportent trois volets :
- Un volet juridique (droit international, droit national, modalités de retour et de restitution)
- Un volet opérationnel (utilisation d’outils pratiques, rôle de la police et des douanes)
- Un volet éducatif et de sensibilisation (kit, vidéos)
Séminaires régionaux ou nationaux d’information et de promotion. Photo : UNESCO/Delepierre
Conformément à son mandat, l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) organise et apporte régulièrement son concours à des formations destinées aux agents publics et aux forces de police. Travaillant en étroite collaboration avec l’UNESCO dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, INTERPOL participe régulièrement aux séminaires d’information et de promotion de l’agence onusienne.
Organisations non gouvernementales
Seules quelques organisations non gouvernementales nationales et internationales proposent des formations visant spécifiquement à renforcer les compétences des acteurs de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels.
Très impliqué dans ce domaine, l’ICOM propose régulièrement des stages de formation aux professionnels des musées et aux chercheurs, en lien avec leurs sujets de spécialité : inventaires, documentation, procédures d’acquisition, droit national et international, déontologie, etc. L’ICOM participe également à des formations conçues spécialement pour les membres des forces de l’ordre et les agents publics. Ces formations sont souvent organisées en partenariat avec d’autres organisations internationales ou agences gouvernementales.
Formation au Mali sur les situations d’urgence dans les musées, organisée par l’ICOM, l’UNESCO, la Smithsonian Institution et le Musée national du Mali, janvier 2014. Photo : ICOM
Agences et administrations nationales
Peu de pays ont développé des modules de formation, ponctuels ou réguliers, à l’attention des agents publics travaillant dans les institutions de conservation du patrimoine, les douanes ou les services de police. Plus rares encore sont les pays ayant inclus des modules sur le trafic illicite des biens culturels dans les programmes de formation des futurs agents publics.
Considérée comme l’une des polices les plus efficaces dans ce domaine, les Carabineri italiens, par l’intermédiaire de leur section de Protection du patrimoine culturel, dispensent des formations aux services des douanes et de police de différents États. Ces activités de formation permettent de renforcer la coopération policière transnationale.
Tous les acteurs de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels recommandent vivement d’ajouter des modules d’enseignement obligatoires sur ce sujet aux programmes de formation des policiers, des douaniers, et des étudiants en art et patrimoine. Les pays ayant mis en place ces types de modules ont considérablement amélioré leur capacité à lutter contre le trafic illicite des biens culturels.
L’engagement des professionnels du patrimoine est une nécessité
Paradoxalement, il est rare que les centres de conservation du patrimoine et les instituts de recherche s’attaquent au problème du trafic illicite des biens culturels. Les musées et les institutions de conservation accueillent peu de conférences et de stages de formation sur ce sujet. En outre, seuls quelques centres de recherche et universités spécialisés dans l’archéologie, l’histoire de l’art ou les études muséales abordent la question avec leurs étudiants ou leurs collègues chercheurs.
Modalités de formation
Formation présentielle directe
Une formation présentielle requiert à la fois un investissement d’argent et de temps. Au niveau financier, il faut en effet prendre en charge les coûts afférents à l’organisation de l'événement, les frais de logement et de déplacement des formateurs, etc. Quant à la question du temps, il faut tenir compte de la durée de préparation de la formation, puis de la formation elle-même.
Un tel investissement doit être motivé par un ensemble de garanties, notamment sur la nécessité de la formation en question, sur l’implication des stagiaires, sur l’adéquation entre les besoins et le contenu du stage et sur la possibilité d’assurer un suivi approfondi avec les participants.
Formation en ligne
À l’heure où les coupes budgétaires sont drastiques et mondialisées, les modes de formation traditionnels sont devenus difficilement viables pour les acteurs nationaux et internationaux de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. Il convient donc de les repenser afin de les rendre plus abordables et plus innovants.
Le développement rapide des technologies de la communication et de l’information a favorisé la mise sur le marché de toute une panoplie d’outils sur-mesure permettant de concevoir des modules de formation en ligne et d’auto-formation.