Le régime international de l'importation, de l'exportation et du transfert de propriété des biens culturels

Articles
Resource theme: 
Legislation - International
Legislation - National
Resource type: 
Bibliography - Articles
Author: 
GOY Raymond
Editor: 
Annuaires français de droit international
Date: 
1970
Pages / Length: 
21 p.
Language of publication: 
French

Comme les droits internes, le droit international se soucie de plus en plus de protéger les biens culturels. Il veut les garantir contre les conflits armés, les travaux publics et privés, les risques naturels; il veut empêcher leur sortie d'un territoire occupé. Mais doit-il, avec certaines législations, en limiter l'exportation, l'importation, le transfert de propriété entre Etats en temps de paix ? Deux politiques extrêmes sont concevables.

Le libéralisme préconise la libre circulation des biens culturels et - « l'unité du territoire culturel universel», pour des raisons économiques et culturelles. D'une part, ce « laissez-passer » est celui de toutes les richesses; il permet de réaliser des ventes, d'obtenir des commandes, de multiplier les transactions; il évite la destruction sur place, les frais de conservation. D'autre part, la «porte ouverte» permet le rayonnement du génie, du prestige national, l'éducation des peuples lointains; elle sert ainsi les idéaux de l'U.N.E.S.C.O., « l'appréciation mutuelle des valeurs culturelles par des échanges à tous les niveaux et dans tous les domaines», et l'universalisation du langage et des valeurs culturels.

A l'inverse, le protectionnisme postule la conservation dans le pays même de ses biens tant mobiliers qu'immobiliers. Economiquement, il évite le pillage du pays, les aléas du transport; il constitue aux habitants un capital, aux touristes un attrait; il fait vivre une profession, un marché; et cela compense les frais de conservation. Culturellement, il valorise le  « patrimoine culturel national » dont le peuple doit prendre conscience, prendre soin, et ne pas disposer, et que les autres peuples doivent respecter. Les chauvins veulent protéger cet héritage pour lui-même, au nom des valeurs nationales; mais les plus internationalistes tendent à considérer que « dans leur variété féconde, toutes les cultures font partie du patrimoine culturel de l'humanité», et qu'une culture authentique est celle qui respecte et protège celle d'autrui.

Entre ces deux thèses, les Etats optent en fonction de leur situation et de leurs intérêts. Sont libéraux les pays d'importateurs, de marchands, tels les Etats-Unis, les pays Scandinaves, la Suisse. Sont protectionnistes les Etats développés culturellement et exposés au pillage. La Grèce, l'Italie connaissent bien ce déplacement, parfois de monuments entiers, notamment lors du fameux «Elginisme»; la France elle-même a perdu la moitié de sa peinture et de sa sculpture, et s'émeut de trop fréquents départs, par exemple d'oeuvres de Cézanne ou projets de vente, tel celui du manuscrit dit « Appel à tous les français » ; l'Angleterre a vu partir maintes richesses comme «l'Esclave» de Velasquez; les pays en voie de développement déplorent une exploitation, les uns, tels le Cambodge, le Népal, l'Irak, l'Egypte, la Turquie, le Mexique, — de leur patrimoine archéologique, les autres de leur patrimoine ethnologique.

Devant ces oppositions, le droit positif est longtemps resté hésitant et anarchique, jusqu'à ce qu'une Convention sur l'importation, l'exportation et le transfert de propriété des biens culturels soit signée lors de la 16e Conférence Générale de l'U.N.E.S.C.O., à Paris, le 14 novembre 1970.