Sensibilisation du public
Vidéo de la campagne de l’UNESCO « Heritage is Identity - Don't Steal It » (Le patrimoine culturel c’est l’identité. Ne le volez pas !). Photo : UNESCO
À cet égard, les médias de masse et spécialisés jouent un rôle majeur pour attirer l’attention du public. Le rôle des médias de masse a d’ailleurs changé ces dix dernières années. Le pillage du musée de Bagdad en 2003 a marqué un véritable tournant quant à leur intérêt et leur positionnement sur cette question. Il peut être délicat de communiquer avec les médias en cas de vol, et il faut souvent mettre en place des stratégies de communication dans ces situations de crise afin de préserver la réputation du lieu concerné. Cela étant, les médias restent l’un des outils les plus puissants de mobilisation du grand public comme des parties prenantes pour la protection du patrimoine culturel contre le trafic illicite.
Un soldat irakien présente des artéfacts antiques découverts en décembre 2008 dans la partie nord de Bassorah. Photo : Wikipédia
Ratification de conventions internationales
Le développement d’une base juridique internationale solide est au cœur d’une coopération transnationale efficace pour lutter de manière constructive contre le trafic. Il est fondamental de ratifier les deux instruments internationaux majeurs que sont la Convention de 1970 de l'UNESCO et la Convention d'UNIDROIT de 1995, et les pays peuvent difficilement prétendre lutter contre le trafic et espérer la restitution des biens volés sans signer ces instruments internationaux ou en implanter les principes fondamentaux.
Alors que la ratification n’est guère efficace sans une mise en œuvre adéquate, seuls quelques-uns des 134 États parties à la Convention de 1970 ont appliqué rigoureusement l’instrument. La Convention exige l’adoption d’une série de mesures essentielles par les pays. Cela va de l’inventaire des biens culturels nationaux à la création de services spécialisés dans la lutte contre le trafic.
Logo of the UNESCO Convention on the Means of Prohibiting and Preventing the Illicit Import, Export and Transfer of Ownership of Cultural Property. Photo: UNESCO
Pour ce qui est de la Convention d’UNIDROIT de 1995, qui a été à ce jour ratifiée par seulement 42 pays, les possibilités qu’elle offre aux autorités nationales et aux particuliers sont souvent mal comprises ou sous-estimées. Toutefois, l’« esprit » de la convention et ses grands principes (comme l’obligation de diligence) gagnent du terrain au sein de la communauté internationale et des professionnels de l’art et du patrimoine. À vrai dire, ils ont une influence croissante sur l’évolution des pratiques nationales et régionales ainsi que celles des cadres juridiques.
Rôle des organisations internationales et coopération
Les organisations internationales jouent un rôle majeur dans la sensibilisation, la promotion des instruments juridiques, le développement d’outils pratiques, la formation des professionnels et le renforcement de la coopération internationale. Le Conseil économique et social des Nations unies (CESNU) reconnaît officiellement un groupe international d’experts regroupant six organisations qui travaillent en étroite collaboration en vue d’unir leur expertise dans le domaine : le Conseil international des musées (ICOM), l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), l’Institut international pour l'unification du droit privé (UNIDROIT), l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’Organisation mondiale des douanes (OMD).
Ce groupe international d’experts reconnus, ainsi que d’autres ONG et organisations intergouvernementales, participent aux efforts internationaux visant à limiter le trafic illicite des biens culturels. Face à des criminels transnationaux qui savent parfaitement comment se jouer des lacunes juridiques et opérationnelles, la coopération internationale est un élément clé dans les domaines suivants : normalisation des pratiques et des cadres juridiques, échange d’informations, contrôle du transport des biens culturels, enquêtes conjointes, poursuites, dialogue pour le retour ou la restitution des biens culturels volés ou pillés, etc.
De gauche à droite, les membres du groupe international d’experts : ICOM, INTERPOL, UNIDROIT, UNESCO, ONUDC et OMD
Utilisation d’accords multilatéraux et bilatéraux
Vu la difficulté à atteindre un fort consensus juridique international en la matière, le nombre d’accords bilatéraux et multilatéraux s’est multiplié ces dernières années. L’Union Européenne est un parfait exemple d’une situation dans laquelle la nécessité d’avoir un cadre commun pour le contrôle et le statut des biens culturels étrangers au sein du marché commun a forcé les institutions européennes à s’attaquer au problème, et à refondre la Directive 93/7/CEE du Conseil relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre.
Au niveau bilatéral, de grands progrès ont été accomplis par des pays tels que les États-Unis ou la Suisse qui ont signé des accords bilatéraux avec des pays particulièrement exposés au pillage de biens archéologiques. Souvent, ces accords bilatéraux interdisent totalement l’importation de certaines catégories de biens culturels sans documentation adéquate et instaurent un cadre spécifique pour leur retour ou leur restitution à leur pays d’origine.
Rôle des autorités publiques
Au niveau national, de nombreuses exigences dépendent en réalité du bon vouloir des gouvernements. La ratification et la mise en œuvre d’instruments juridiques internationaux viennent en tête, et impliquent le renforcement des législations nationales, en particulier dans les domaines suivants :
- Définition des biens culturels nationaux
- Conditions juridiques requises pour l’importation, l’exportation et le transfert de propriété de biens culturels (certificats d’exportation, registres pour les négociants d’art et d’antiquités, etc.)
- Définition et mise en œuvre de procédures strictes d’obligation de diligence pour l’acquisition de biens culturels
- Mise en place de sanctions en cas de violation de la législation nationale
- Transposition des règles déontologiques professionnelles dans les lois nationales
Sur un plan plus pratique, les administrations publiques sont fortement encouragées à prendre les mesures suivantes :
- Mise en place d’un ou plusieurs services nationaux pour la protection du patrimoine culturel
- Mise en place et mise à jour d’inventaires nationaux
- Développement d’institutions de conservation
- Supervision des fouilles archéologiques et promotion des recherches scientifiques associées
- Mise en place de règles déontologiques pour les professionnels de l’art et du patrimoine, englobant le marché de l’art
- Sensibilisation du public
Contribution des organismes chargés de faire respecter la loi et coopération intersectorielle
La Convention de 1970 exige la création de services nationaux pour la protection du patrimoine culturel. Les gouvernements désireux de mieux contrôler le commerce et les mouvements de biens culturels ont sans doute tout intérêt à créer un service de police spécialisé dédié au patrimoine culturel. Dans de nombreux pays, comme en Italie, aux États-Unis, en France ou en Espagne, ces services ont considérablement amélioré la capacité du pays et son expertise en matière de lutte contre le trafic.
Généralement, les agents des forces de l’ordre ne sont pas formés à protéger le patrimoine culturel et ils sont rarement au courant des enjeux culturels, financiers et politiques du trafic illicite des biens culturels. Qu’ils ne comptent que deux personnes ou plus de vingt, les services spécialisés existant assurent la liaison entre l’application de la loi et le patrimoine culturel. Ils peuvent donc être placés sous l’autorité du Ministère de la culture, comme c’est le cas en Italie.
Toutefois, il ne suffit pas de mettre en place ces services s’ils travaillent de manière isolée. Ils ne peuvent en effet pas jouer de rôle vraiment décisif à moins de coopérer étroitement avec d’autres administrations et secteurs concernés par le problème : patrimoine culturel, douanes, justice, affaires étrangères et marché de l’art. Pour favoriser la coopération intersectorielle, la solution peut résider dans la création d’une équipe opérationnelle intégrée regroupant des représentants de ces différents secteurs.
De gauche à droite : le Corps des carabiniers pour la protection du patrimoine culturel (Italie), le Programme relatif au vol d'œuvres d'art du FBI (États-Unis) et l’Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (France)
Développement et utilisation d’outils pratiques
L’inventaire étant le meilleur moyen de protéger un bien culturel, il existe déjà des dizaines d’outils pour aider les particuliers et les institutions à inventorier et gérer leurs collections. Toutefois, INTERPOL, l’UNESCO, l’ICOM, les organisations du patrimoine culturel, les organisations de commerce de l’art et d’expertise de l’art, ainsi que les compagnies d’assurance recommandent l’utilisation d’une norme internationale spécifique définissant les informations minimales nécessaires pour documenter des collections de biens archéologiques, culturels et artistiques : la norme Object ID. Élaborée par le J. Paul Getty Trust, la norme Object ID simplifie la récupération d’un bien en cas de vol. Elle est aussi compatible avec la base de données sur les œuvres d'art volées d'INTERPOL.
Logo de la norme Object ID
Outre les inventaires institutionnels et nationaux, l’utilisation d’une base de données de biens culturels volés fait également partie des conditions essentielles pour localiser les objets volés et empêcher une transaction. En dépit de l’importance des bases de données nationales, l’utilisation de la base de données sur les œuvres d’art volées d’Interpol reste le meilleur moyen, pour tout le monde, d’accéder à des informations sur les biens volés dans quelque pays que ce soit.
Mise en place d’une déontologie professionnelle au sein de la communauté de l’art et du patrimoine
Code de déontologie de l’ICOM pour les musées
Renforcement de la sécurité des biens culturels
Le triangle de sécurité.