Qu’est-ce que le trafic illicite ?

Le trafic illicite des biens culturels est, comme les autres types de trafic illicite, un sujet complexe, vaste et aux multiples facettes. Il peut se présenter sous différentes formes, impliquer de multiples parties et avoir des buts différents en fonction du contexte géographique, socio-économique et politique. Compte tenu de cette complexité, il est difficile de le réduire à une seule définition ou analyse, tandis que les études scientifiques sur le sujet demeurent rares. Le manque d’informations disponibles sur les pratiques actuelles en matière de trafic illégal d’objets d’art et d’antiquités constitue l’un des obstacles empêchant de lutter efficacement contre ce commerce illicite.

 

Qu’est-ce qu’un bien culturel ?

Les principales conventions internationales traitant du trafic illicite des biens culturels sont la Convention de l'UNESCO de 1970 et la Convention d'UNIDROIT de 1995. Elles donnent toutes deux la définition juridique d’un bien culturel.

La Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970) reconnaît déjà comme biens culturels « les biens qui, à titre religieux ou profane, sont désignés par chaque Etat comme étant d'importance pour l'archéologie, la préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science » (Article 1).

La Convention d’UNIDROIT sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (1995) fournit dans son article 2 une définition analogue : « par biens culturels [...] on entend les biens qui, à titre religieux ou profane, revêtent une importance pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science ».

Les deux conventions indiquent en outre les catégories de biens qui peuvent être considérés comme culturels. Il s’agit des catégories suivantes : collections et spécimens rares de faune et de flore, objets présentant un intérêt paléontologique, biens concernant l’histoire, produits des fouilles et des découvertes archéologiques, éléments provenant du démembrement de monuments artistiques et des sites archéologiques, antiquités ayant plus de cent ans d'âge, matériel ethnologique, biens d’intérêt artistiques (tableaux, peintures, dessins, sculptures, etc.), manuscrits rares, livres et documents anciens, timbres-poste et autres timbres, archives (y compris phonographiques, photographiques et cinématographiques), objets d'ameublement ayant plus de cent ans d'âge et instruments de musique anciens.

Cette définition peut être complétée par d’autres, telles que celle d’« antiquité » ou d’« objet archéologique », fournies par d’autres instruments juridiques internationaux.

Emplacement laissé vacant dans le salon Carré du musée du Louvre, après le vol de La Joconde en août 1911. Photo : Wikipedia

 

Qui peut posséder un bien culturel ?

 

Les propriétaires de biens culturels appartiennent à deux catégories :

  1. les États, qui peuvent adapter la définition et l’étendue de leur propriété de biens culturels situés sur leur territoire, et
  2. toute autre personne morale (institutions, entreprises, etc.) ou physique (individus) dont la propriété juridique de biens culturels s’appuie sur différents instruments (titres juridiques, données d’inventaire, documentation).

 

Quel type de trafic de biens culturels est considéré comme « illicite » ?

Le trafic illicite des biens culturels se distingue des autres types de trafic en raison de l’existence d’un marché légal des biens culturels. Contrairement aux autres trafics illégaux, la définition du trafic illicite de biens culturels ne dépend pas tant de la nature des biens faisant l’objet du trafic que du type de propriété desdits biens. C’est ainsi le caractère légal de la propriété qui marque la différence entre ce que l’on appelle parfois des biens culturels « illicites » et « licites ».

Bien que les spécificités puissent varier en fonction des dispositions des législations nationales, la plupart des biens culturels possèdent un(ou plusieurs) propriétaire(s) légal(légaux) ayant le droit de les détenir, de les utiliser et de les transporter. Cette règle s’applique également aux objets archéologiques qui n’ont pas encore été extraits du sol et appartiennent automatiquement au propriétaire de la zone souterraine dans laquelle se trouve le site archéologique. Dans bien des cas, si ce n’est la plupart, ce propriétaire, au regard de la législation nationale, sera l’État.

Des centaines d’instruments juridiques internationaux et nationaux protègent des biens culturels du vol, de l’exportation illicite ou de l’acquisition illégale dans le monde entier. La circulation des biens culturels est par ailleurs réglementée par une série de pratiques nationales et internationales, de principes, de normes professionnelles et de lois relatives au transfert de la propriété d’un bien culturel d’un propriétaire à un autre : achat, cautionnement d’une dette hypothécaire, échange, prêts, donation ou legs.

 

Qu’est-ce qui constitue un « trafic illicite de biens culturels » ?

L’on admet généralement que le trafic illicite des biens culturels est la conséquence du non-respect de ces instruments juridiques nationaux ou internationaux. Le terme « trafic illicite des biens culturels » peut par conséquent faire référence à une grande variété de pratiques selon la législation nationale ou internationale en vigueur :

  • vols dans des musées, monuments, sites religieux et autres lieux de conservation publics ou privés ;
  • excavations illicites d’objets archéologiques, y compris sous-marines ;
  • enlèvement de biens culturels lors de conflits armés ou de périodes d’occupation militaire ;
  • exportation et importation illicite de biens culturels ;
  • transfert illégal de propriété de biens culturels (vente, achat, cautionnement de dette hypothécaire, échange, donation ou legs) ;
  • production, commerce ou utilisation de documents falsifiés;
  • trafic de biens culturels faux ou contrefaits.

Les pillards de sites archéologiques creusent des milliers de trous, comme ici, en Irak. Photo : Penn Museum